Qu'est-ce qu'une image, si ce n'est d'abord une apparition et un sentiment ? C'est ce qu'il en reste, à la fois du surgissement et de l'émotion, qu'il faudra restituer. Et partager. Toujours avec cette exigence, celle de la sincérité. Aller à l'essentiel, à l'instant qui s'étire dans la permanence de la sensation.

Né en 1955, au bord de la Loire, tout au bord
Après des études en photographie, Eric Joux a exercé comme graphiste puis comme photographe de presse avant de devenir free lance, spécialement dans le domaine du jazz. Il se tourne ensuite vers l'écrit comme journaliste, pour l'essentiel de sa carrière en presse quotidienne. Retour au déclencheur, jamais vraiment abandonné, à la passion de l'image sous toutes ses formes.
Vit en Touraine.






Good vibrations
Les photos d’Éric Joux


Il regarde la même chose que nous mais il voit au-delà. Éric Joux photographie le quotidien et expose (presque) une abstraction. Il traduit mais ne trahit pas. Doit-on lui reprocher de ne pas être objectif ? [...] Éric Joux regarde la nature au-delà du réel, et c’est très beau.
La vibration de l’immobile
Remous ligériens banals sous un pont, coup de vent dans la garrigue, passage de nuages, peintures écaillées et, même, simples marches. Le regard d’Éric Joux s’arrête sur les mêmes instants que le nôtre. Mais lui va plus loin, voit plus loin. On dit de Van Gogh (et de ses camarades impressionnistes) qu’il a su faire vibrer la couleur. C’était leur obsession à tous et il en fut le maître. Au risque de faire enfler les pupilles de notre artiste, le travail d’Éric Joux invite à la comparaison.
Ses photographies saisissent la vibration de la lumière, de l’air, de l’immobile. Parfois, aussi, un son ou une parole éteinte, comme il le dit à propos de ses Dix-sept marches, gradins vénérables qui conduisent à la Loire : « Chaque marche parle de l’homme qui a taillé le dur granit venu de l’amont, des coups reçus du temps qui passe, sans autres caresses que les culottes des marmots venus s’y asseoir entre deux jeux dans le grand épicéa, celui-là même qui encore aujourd’hui s’amuse de ses jeux d’ombre et de lumière sur la pierre grise. »
Monet faisait « vibrer l’air » sur un banc de pierre. Éric Joux s’attarde sur des marches de pierre usée. Il en tire une série de clichés ou tout est semblable et rien n’est identique. Un travail moins évident que d’autres de ses galeries mais fascinant par la justesse de la vision et l’exactitude de l’analyse.
Du vent dans les yeux
Si l’approche est commune, si le vent souffle dans les yeux de l’observateur, le travail d’Éric Joux n’en est pas pour autant répétitif. Chaque œuvre a son âme et sa vie propres. Pour ceux qui ont connu le peintre tourangeau, on pense parfois à Norbert Pagé et à son regard sur l’écume des vagues bretonnes. L’œuvre est abstraite mais la mer est là. Comme lui, Éric Joux « donne à voir » plus que le vrai. L’herbe vit et se transforme. La peinture écaillée parle. Le ciel est une peinture. On s’y perd et on s’y retrouve, guidés par une autre vision que celle de notre quotidien. Incertain regard.

Patrice de Sarran, 2021

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